La place idéale

Publié le par L'Eunuque

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— Non, non et non, dit-elle en se moquant.

— Non, quoi ?

— Non, monsieur Berth, arrête de me fuir, d’autant que je ne crois pas mériter ça.

— Je ne pensais pas que ma compagnie se méritait non plus.

— Trois jours que tu me fais la gueule.

— Je ne vous fais pas la gueule.

— Puis, ce vouvoiement est pénible…

— Tandis que votre tutoiement ne me gène pas.

— Je t’ai entendu dire « tu » à Youri.

— Youri est une sorte d’ami.

Elle encaissa la remarque.

— Et bien, ça a le mérite d’être clair.

— J’ai toujours été clair. Mais, je vais répondre plus précisément à votre remarque. Vous drainez Marcus derrière vous, alors voulant l’éviter, je vous évite, c’est vrai.

— Si Marcus est un obstacle, tu peux l’en écarter.

— Vous êtes entrain de me dire que je devrai me battre pour vous ? C’est très prétentieux de croire que votre personne mérite un combat. Je n’ai pas de cheptel à constituer.

Son visage devenait de plus en plus pâle. Elle encaissait les coups mais repartait au combat. C’est un peu ça qu’elle avait appris ici.

— Tu veux me faire croire que tu n’es qu’une bête au cœur de pierre. Je cherche à être ton amie et tu me jettes, tu me chasses comme si j’étais un insecte malveillant.

Bert soupira.

— Je ne cherche à faire croire rien à rien. Evitez-moi, je vous assure, ça n’en vaux pas la peine.

— Tu vois ! Tu vois que tu es capable de t’ouvrir, alors pourquoi toute cette agressivité ?

— Ne cherchez pas à vous engouffrer dans cette ouverture. Ça ne sert à rien. C’est comme ça.

— C’est quoi ce fatalisme à la con ? Tu es touché par une malédiction, c’est ça. Tu ne peux pas avoir un tant soit peu de sentiment pour personne.

— J’en ai et sans doute en ce moment même, mais je ne peux pas faire abstraction de tout ce qui entoure cette attraction. Je ne sais pas ce que vous voulez et tant qu’à moi, je ne veux rien. Rien de vous. Je ne comprends pas la finalité de tout ça. De cette conversation. Vous avez choisi cette vie, vous prônez que c’est ça le bonheur. Courir avec un sac à dos rempli de pierre. Tirer sur des cibles fixes. Vous préparer à la guerre en cultivant votre haine. Car sans haine, il n’y a pas de guerre possible. Je ne me sens pas l’envie de vous aider à attendre votre bonheur, ni à en faire partie.

— Tu penses que je suis malheureuse et responsable de mon malheur ?

— Nous sommes tous responsables de nos choix.

— Et que tu serais une compensation à mon manque de bonheur ?

— Vous m’attribué des pensées que je n’ai pas.

— Tu n’es pas mieux que nous, tout compte fait…

— … je ne le prétends pas.

— … tu es pire. Tu aspires la lumière pour en faire des ténèbres.

— Stop. S’il vous plait, arrêtons cette bataille.

Il ne s’était pas rendu compte qu’elle pleurait…

— Voilà… je suppose qu’il faut maintenant que je dise que je suis désolé, alors que je ne suis désolé de rien. Je ne demande rien sinon que de foutre le camp d’ici. Mary, votre vie est… peut-être ici. Je n’en sais rien. J’ai pour ma part besoin, plus qu’une envie, d’aller plus loin. De marcher encore et encore. Pour aller où ? Je n’en sais rien. En tous cas, je ne dois pas m’arrêter ici. Je m’arrêterai un jour, sans doute, où pas.

— Emmènes-moi avec toi.

Berth resta un instant en arrêt sur cette proposition car il était près à refuser à Mary ce qu’il avait proposé quelques minutes plus tôt à Youri.

— Mary, cela me demanderait des responsabilités que je ne peux pas assumer.

— Je ne te demande pas d’être responsable de moi, mais de m’aider à sortir d’ici.

— Vous n’êtes pas prisonnière.

— Je suis prisonnière de mon manque de volonté. Je crois qu’il suffirait que tu m’aides à faire les premiers pas pour que je puisse continuer seule.

— Si j’acceptais ce serait par faiblesse.

— Je ne peux pas te supplier, Berth.

— Vous ne devez pas me supplier. Je ne suis pas celui qu’il vous faut.

Elle baissa la tête. Vaincue.

— Je comprends, finit t-elle par dire d’une voix éteinte.

Elle le quitta.

Durant toute cette conversation, Marcus les avait observés. Il ne ressentait aucune jalousie au sens sentimentale, mais il voyait bien que son pouvoir ou son charisme était décoté depuis que ce vagabond Inuit était arrivé ici. Il s’en voulait de ne pas l’avoir laissé partir aussitôt qu’il fut remis et d’avoir voulu le recruter ou d’en faire un nouvel adepte à sa religion politique. Il était le chef, à ce titre il couchait avec la plus belle fille du groupe. Elle authentifiait, auprès des autres, son juste statut. Si elle le quittait, alors il perdait de sa superbe. Il fallait qu’il récupère du crédit et de l’autorité. C’est pourquoi il appela Dimitri et qu’il improvisa un planning du jour. Lorsqu’il dévoila son envie du moment, Dimitri en fut étonné sinon contre.

— Marcus, ça me paraît un peu tôt pour envisager ce cours pratique.

— Je crois que d’un point de vue théorique tout le monde semble avisé.

— Tu sais très bien que ce n’est pas vrai. Qu’est-ce que tu veux prouver en faisant ça ?

— Demain, nos amis Russes arrivent. Je veux leur montrer que nous sommes de plus en plus au point et qu’ils ont eut raison de nous faire confiance.

— Je crois que nos amis Russes s’en branlent royalement. Ils viennent ici parce que ça leur fait une sortie et je suis sûr que, à peine repartis, ils se foutent de notre gueule.

— Parce que tu penses qu’ils se moquent de nos révolutions ?

— Ouais, je le pense. Mais je vais te dire, je me contre balance du jugement de ces trous du cul.

— Si nous étions dans une église, je dirais que tu blasphèmes.

— C’est marrant que tu dises ça, mais lorsque je te vois et t’entends discourir auprès de nous, je revois cette pute de curé qui prêchait tous les dimanches et que mes parents m’obligeaient à écouter. Tu as un côté prédicateur…

Marcus l’arrêta.

— Ce que tu dis te semble très intéressant, mais j’ai autre chose à faire que de t’écouter. Si mon ordre te semble compliquer à exécuter, je peux demander à quelqu’un d’autre de prendre le rôle de lieutenant que je commence à regretter de t’avoir donné.

— C’est bon, j’ai compris, je vais organiser les groupes.

Il allait partir, mais il rajouta :

— Tu sais, l’avantage d’avoir un chef aussi autoritaire que toi au dessus de soi, cela permet de se déresponsabiliser. Car si ça tourne mal, je dirais à qui veut l’entendre que l’ordre venait de toi. Tu vois, j’ai la place idéale : je ne fais pas les exercices et je ne suis pas responsable. C’est cool, non ?

Dimitri s’en alla vers les bâtiments où étaient cantonnées les recrues, sous le regard haineux de Marcus qui envisageait sérieusement de donner la place idéale de Dimitri à quelqu’un d’autre.

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P
<br /> Je crois qu'il faudrait lui fabriquer un parfum anti femmes, à Berth, c'est la seule solution que je vois.<br /> Le temps qu'il passe à s'en dépêtrer, c'est fou !<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Il doit avoir un problème avec ses phéromones. <br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> Je suis de retour ! A qui Marcus va t-il donner la place de Lieutenant ? Les votes sont ouverts jusqu'à 23H.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Il y a un deuxième tour encas de ballotage. <br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Alors elle me convient !<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Ok, je mets un option.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Juste une question : elle est d'où cette baraque ? (putain ma syntaxe s'améliore)Elle me plaît bien.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> C'est une habitation sibérienne, qui ne convient qu'aux hommes qui ont choisi de vivre au fond des bois.<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> Je suis comme Mary, je tutoie facilement, j'ai un mal fou(comme les Anglo-saxons) à te vouvoyer et ton vouvoiement me gêne : on dirait de la distance ou de la condescendance ...<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Par contre, moi, le tutoiement des uns et des autres ne me dérange pas. Je ne veux en aucun cas imposer mes choix. Chacun communique comme il le désire. Quant à la distance, elle existe puisque<br /> nous sommes dans un univers virtuel. Point de condescendance, ce n'est pas le genre de la maison.<br /> <br /> <br /> <br />