L’imposture
Elle se releva, alla jusqu’à un miroir et essaya de replacer sa mèche. Il la mouilla avec de la salive, mais rien n’y fit. Berth, quant à lui restait assis sur le sol. Elle ramassa les livres qu’elle avait choisis et s’apprêta à sortir. Berth lui barra la route.
— Laisse-moi passer.
— C’est quoi, une fuite ? Je te rappelle que nous partageons la même cabine.
— Plus pour longtemps, va !
— Nous naviguons sur le même bateau. Nous allons nous croiser tous les jours.
— Et alors, les autres aussi me croisent tous les jours et cela ne me gène pas.
— Sauf que moi, je sais.
Elle le regarda droit dans les yeux non sans un certain dédain.
— Et alors, la belle affaire. Tu sais que je suis une femme et après ?
— Une femme qui se cache derrière une apparence d’homme.
— Qui te dis que je me cache ? Je suis peut-être une femme qui a envie d’être dans la peau d’un homme.
— C’est effectivement très plausible. C’est vrai qu’en te regardant, je trouve que tu es très masculine, mais il n’y a rien de très spontané. Tu sur joues ce rôle et tu ne peux prétendre à moins de féminité.
— Oh, je vois. J’ai affaire à un expert. Ton analyse est troublante, édifiante.
Berth laissa le passage libre.
— Tu as raison, après tout ça te regarde. Seulement, je trouve ton imposture pitoyable.
— Je suis sincèrement désolé que cela t’affecte à ce point, vraiment, se moqua-t-elle. Et puis, mêle toi de ton cul.
Et elle disparu.
Il ne pu s’empêcher de sourire à la dernière remarque. A son tour, il ramassa les livres et sortit. Il tomba sur le Capitaine.
— Vous êtes là Capitaine ?
— Quoi de plus banal qu’un Capitaine installé à un poste de pilotage.
— Je vous ai vu sortir, alors…
— Alors vous avez pensez que je ne reviendrai jamais ?
— Non, bien sûr.
Il regardait Berth, sans que son visage n’exprime quoi que se soit.
— Vous avez fait connaissance avec Isabelle ?
— C’est donc comme cela qu’elle s’appelle.
— Vous attendez-vous à quelques explications ?
Berth s’offusqua de cette dernière remarque.
— Capitaine, j’ai bien trop de respect pour vous, pour vous demandez quoique se soit. Je ne suis rien pour exiger la moindre explication.
— Sans doute, sans doute. Nous avons cependant un problème. Asseyez vous un instant.
Le jeune homme s’exécuta.
— Si l’identité féminine d’Isa a été jusqu’à ce jour préservée du reste de l’équipage, c’était, et cela reste pour des raisons importantes. Vous avez eu la délicatesse de refuser des explications, mais il n’en demeure pas moins que le peu que vous sachiez est déjà de trop.
Il laissa passer volontairement un silence.
— Je suis dubitatif quant à votre avenir sur ce bateau. Ne l’avez-vous pas dit vous même, que vous n’étiez rien ?
— Vous voulez me débarquer ?
— J’y pense, effectivement.
— Capitaine, je n’ai pas autre chose que ma bonne foi à mettre dans la balance. Aussi, personne ne saura jamais rien venant de moi.
— Je ne prends jamais de risque qui ne soit calculé ou anticipé. Et j’en ai déjà pris beaucoup avec vous.
— Vous ai-je déçu ?
— Je suis désolé. Allez préparer vos affaires et…
Isabelle était revenue.
— Mon oncle, ce ne serait pas juste. C’est mon orgueil qui a fait que je suis découverte.
Le Capitaine respira profondément, regarda devant lui et il se rétracta.
— Soit. Vous resterez donc. Et toi Isabelle, tu le supporteras les six prochains mois, car je n’ai pas d’autre cabine pour toi. Les cinq scientifiques embarquent ce soir.
— Mais, mon oncle…
— Cet orgueil qui t’a fait baisser la garde, mérite sans doute quelques désagréments. Quant à vous, jeune homme, je ne supporte pas que l’on se serve chez moi sans mon autorisation. Vous voulez lire, c’est bien. Demandez-moi dorénavant. Et plutôt que de me servir encore des excuses, disparaissez.
Berth rejoignit Isabelle sur le pont.
— Je suppose que je dois te remercier, demanda-t-il ?
— J’en ai rien à foutre de tes remerciements. Connerie de connerie, j’aurais du fermer ma gueule. Je suis une conne. J’ai pas fini de le regretter.