La Marche héroïque

Publié le par L'Eunuque

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Berth L’Eunuque vérifia si le gardien sommeillait pour de bon. En appuyant sur la tête, il avait senti que le nez avait morflé et les arcades sourcilières explosées. Le sang commençait à tacher la carpette. Mais, il était vivant. Le dosage avait été bon.

L’homme sortit son téléphone portable et appela.

— C’est bon, j’y suis. Je reviens avec la gamine. Il ne me reste que trois minutes avant la fin de la prière. Vous avez intérêt à être prêts… Dis, tu m’entends, nom de Dieu ?

— Berth, je t’emmerde, est-ce que ça répond à ta question ? hurla à son tour son interlocuteur. Puis, je ne suis pas sûr que blasphémer en plein Ramadan, soit très approprié.

L’Eunuque raccrocha. Il ramassa la Kalachnikov qui était posée sur la table et démonta le percuteur.

Il traversa une pièce adjacente à celle où priait Mahmoud. C'était l’endroit, de toutes évidences, où le jeune Williams Rupper avait été exécuté. L’odeur acre du sang était encore présente, et ce, malgré le nettoyage effectué après la décapitation.

Au bout : la cellule qui retenait Sonia Woodford. Cette porte ancienne n’était fermée que par une simple barre. Berth la fit sauter.

Sonia sursauta. Elle avait les mains attachées à une chaine fixée sur le mur et les yeux bandés. Elle était habillée d’une longue djellaba et ses cheveux étaient enfermés dans un fichu noir.

— Sonia, je suis envoyé par votre père, vous n’avez plus rien à craindre, dit Berth en anglais.

Il lui retira le bandeau, elle cligna des yeux et elle put constater que ce qu’on venait de lui dire était peut-être vrai.

— Est-ce que mon père est là…?

— Sonia, vous allez m’écouter et faire très exactement ce que j’attends de vous. A commencer par vous taire.

Avec la barre qui entravait la porte de la geôle, il fit sauter d’un coup sec la chaine du mur, ensuite il retira les entraves des poignés de la jeune fille.

— Où est Williams ? Nous étions ensemble lorsqu’ils nous ont capturé.

— Vous allez vous lever et marcher devant moi…

— Mais, où est Williams ?

Pour toute réponse, L’Eunuque la fit valdinguer dans la pièce d’à côté, elle se récupéra de justesse.

— Qu’est-ce que vous ne comprenez pas dans : « Vous vous taisez et vous marchez devant moi ? » Alors, je le répète une dernière fois : je ne veux pas entendre le son de votre voix. Je ne veux voir que votre dos et à aucun moment, quoi que vous puissiez entendre, quoi que vous puissiez voir devant vous, vous avancez, d’un pas sûr et au même rythme. Est-ce bien clair cette fois ci ?

La voix était grave et puissante, mais il n’y avait aucune colère. Sonia Woodford sursauta, ravala un sanglot et acquiesça d’un signe de tête.

— Alors, marchez, finit par dire cet homme avec plus de douceur et d’assurance.

Ils avancèrent. Sonia sentit une main ferme la pousser, ce qui devait lui signifier qu’elle ne marchait assez vite. Elle augmente donc la cadence. En passant devant une pièce, elle aperçoit du coin de l’œil, deux hommes accroupis, en prière. Elle marche vers un escalier montant qui se présente. Derrière elle, deux sons mats, des coups apparemment, venant de son "sauveur", accompagné de plaintes discrètes, mais… ne pas se retourner.

Elle avance, descend des marches, enjambe deux autres corps. Maintenant : un couloir. La pierre sous ces pieds nus est froide, agréablement froide. Un homme armé devant, qui la regarde avec étonnement. Mais, elle doit avancer, avait insisté l’émissaire de son père. Elle se dit qu’elle peut marcher dans ce long couloir les yeux fermés, que ce n’est pas interdit. Alors, tout en marchant, elle ferme les yeux. Elle entend des coups de feu. Elle sursaute. Des éclats de pierres giclent un peu partout autour d’elle, la piquent parfois et la font presque tousser. Elle entrouvre les yeux, dans un brouillard de poussières, l’homme armé, est allongé. Assommé ? Endormi ? Mort ? Cette réflexion la fait ralentir, mais une main la pousse à nouveau.

— Avancez.

Maintenant, cette voix autoritaire la rassure car elle sait qu’avec elle, elle va recouvrer la liberté. « Mais, où est Williams ? Il ne faut pas partir sans lui » pense t-elle encore. Elle obéi tout en se taisant.

Il y a devant elle une porte ouverte. Elle avance, encore. C’est la rue. Elle avance, puisqu’on ne lui a pas encore dit le contraire, et ce, malgré le taxi qui fonce sur elle. Lorsque la voiture commence à piler, une main, la main puissante du sauveur, la stoppe, la tire en arrière, lui attrape la chevelure l’obligeant à baisser la tête et à entrer dans le véhicule dont la porte arrière s’ouvre. Elle seule monte. Au moment où la voiture repart, elle jette un œil au dehors, elle voit, sur le trottoir, celui qui vient de la libérer, une main sanguinolente appuyée sur un mur. Il semble essoufflé.

Elle sursaute à nouveau car deux hommes s’abattent sur… sur qui d’ailleurs ? Comment s’appelle t-il ? Comment connaît-il son père… puis… puis, elle ne voit plus rien, car la voiture vient de virer et elle de s’évanouir.

Les pneus crissent. La climatisation renvoyé des odeurs de plastique brulé.

— Bachir, dit George Chacal, tu conduis comme une merde.

— Peut-être, mais de nous deux, je suis le seul sait conduire.

— Essaies de faire en sorte qu’on arrive vivant à l’ambassade.

Bachir, concentré sur sa (mauvaise) conduite, essaye, malgré tout à apercevoir la jeune fille par l’intermédiaire du retro intérieur.

— Elle va comment, finit-il par demander ?

Le Chacal jeta un œil plus que succinct à l’arrière et après analyse :

— Le paquet a ses vapeurs

Bachir regarda comme inquiet, à nouveau dans le rétroviseur.

— Et Berth ? demanda t-il.

— Quoi Berth ?

— Il va se passer quoi pour lui maintenant ?

— Tu veux parler des deux types qu’on a vu lorsqu’on repartait ?

Le Chacal haussa les épaules avant d’ajouter :

— Et bien, tant pis pour eux. Tout le monde sait que, de même qu’on ne cherche pas des poux sur la tête d’un chauve, faut pas casser les couilles à un Eunuque.

 


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S
<br /> Je commence aujourd'hui ma longue lecture et je constate que le Chacal est bien revenu avec ses remarques plaisantes : "faut pas casser les couilles à un eunuque" :0123:<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Le Chacal est un poète… c'est sans doute son seul défaut.<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Toujours le même plaisir à vous lire, à suivre la jeune fille en espérant qu'elle ne fera pas de bêtises. Ouf.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> La fille est sortie d'affaire, ce qui n'est pas le cas de L'Eunuque…<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> bon c'est rassurant tout ça... et on s'enfonce un peu plus dans l'histoire... pret pour la suite =)<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Alors, je continue puisque vous êtes prêt.<br /> <br /> <br /> <br />