de la saucisse grillée dans la pampa

Publié le par L'Eunuque

Daniel Delaunay était accompagné du guide traducteur Inuit. La nuit avait été longue et mouvementée. Le mercenaire n’avait pas dormi, sans doute que le Général non plus. Il suivait cet homme depuis une dizaine d’années. Depuis que celui-ci, au retour d’Algérie, l’avait recruté. Il avait vu quelques pays et assisté quelques révolutions ou coups d’état, surtout en Afrique. La seule cause que défendait Bowern était l’argent. Que les clients soient démocrates, communistes, arabes, juifs, chrétiens, musulmans : il s’en foutait. Delaunay savait qu’il lui suffirait de passer encore 5 ou 6 ans avec le Général et une retraite plutôt confortable l’attendait. Il avait déjà investit dans un mas, dans le sud de la France. Quelques hectares de vigne, un chien et une femme lui suffiraient. L’ordre des priorités établies par cet homme ne subirait aucun déclassement.

Il frappa puissamment sur la porte, au cas ou Bowern dormirait.

— Ouais, cria le Général.

Les deux hommes entrèrent dans le logement.

— C’est l’homme dont je vous parlais cette nuit.

— Ah ! Vous avez fini par le retrouver.

— Je ne pense pas qu’il y ait eu la moindre complicité de sa part. Il se cachait parce qu’il avait peur.

Bowern s’approcha de lui, tourna autour et donna une tape amicale sur l’épaule de l’Inuit.

— Tu ne sembles pas avoir peur de moi en tous cas. Alors, dis-moi, qu’est-ce qui peut t’effrayer plus que moi ?

Le guide regarda Delaunay qui l’encouragea à parler d’un simple signe de tête.

— Vous, vous êtes un blanc et lui c’est un Chaman. Il parle au vent, aux baleines, à la foudre, aux pierres…

— Ouais, c’est bon, ça va tu vas pas me passer en revue tout ton bordel. Je veux savoir si c’était le même que celui qui avait balancé une caillasse à la tête de Matthieu ?

— Il ne jette pas les pierres ; elles lui obéissent. Mais, c’est bien lui.

— Putain, c’était à plus de 2000 bornes d’ici, comment tu peux en être sûr et comment il est arrivé ici ?

— Avec les chiens.

— Avec les chiens. Je ne sais pas pourquoi on s’emmerde avec un hélico nous ici. Qu’est-ce qu’il veut ce con ?

— Il l’a dit à l’autre blanc qui a des trous aux pieds. Il veut que nous partions d’ici, sinon il tue tout le monde. C’est un chef Chaman, il est très puissant. Il entend les esprits et les esprits l’écoutent. Il a libéré les autres Inuits cette nuit car il ne veut pas que des êtres humains perdent la vie lorsqu’il détruira tout ici.

Bowern le regarda fixement dans le blanc des yeux.

— Il y a un blanc avec eux. Il parle ma langue.

— C’est le fils du Chaman, alors c’est un « être humain ».

— Il était là aussi cette nuit ?

— Il était là. Il aurait pu me tuer, mais il ne l’a pas fait.

— Toi, tu n’as rien à craindre puisque tu es un Inuit.

— Je mourrai aussi. Il est trop tard. J’ai trahi mon peuple. Mais, aujourd’hui, je n’ai plus peur car je sais que cela ne servirait à rien.

— Je n’aime pas les gens qui n’ont pas peur.

Il sortit de son fourreau un immense couteau effilé.

— Tu vois cette lame ? Un jour, j’ai découpé toute la peau du dos d’un type, pendant qu’il était vivant, pour lui faire cracher les infos qu’il avait. Une fois qu’il m’avait dit ce que je voulais savoir, mais un peu tardivement, on l’a attaché en plein soleil, la peau du dos pendante. Les premières bestioles qui sont venues, ça été les mouches. Elles lui ont pondu des centaines d’œufs dans la chair. Le lendemain, il y avait déjà des vers qui ont commencé à lui bouffer la viande. Mais, le pire, ça été la marabounta. Les fourmis ont été informées que de la bidoche trainait dans le coin et elles sont venues par centaine de milliers le bouffer. En moins d’une heure il n’y avait plus rien du bonhomme.

Le guide avait soutenu le regard du blanc pendant toute son anecdote.

— Alors vois-tu, j’ai assez d’imagination pour provoquer chez toi de la terreur bien supérieure à celle que ton Chaman peut d’inspirer.

— Vous ne pouvez pas comprendre. Mourir, même si la façon est horrible, n’est rien si votre âme est libre ensuite. Le Chaman, lui, me tuera sans me faire souffrir, mais il capturera mon âme. Je peux devenir un esprit torturé et cela pour l’éternité.

Bowern rangea son couteau.

— Bon, j’ai entendu assez de conneries. Foutez-le moi au trou, celui-là. Je ne veux pas le savoir libre tant qu’on n’aura pas zigouillé l’autre pingouin. Revenez me voir ensuite.

Daniel Delaunay sortit et donna des ordres et retourna auprès du Général.

— Daniel, on est dans la merde. N’ont pas que je craigne le « Chaman », mais si on ne résout pas ce problème là avant l’arrivée des Amerloques, pour les premiers essais, on va droit dans le mur. Y a ces putains de Russkofs aussi. On va commencer par eux. On sort l’hélico dans une heure. Faites-le équiper de sauce piquante et arrosez-moi tout ce qui vous paraît suspect. Mais, les cocos avant les bougnoules.

— Mais… Général, nous n’avons pas de napalm ici !

— J’avais prévu.

Il découvrit une petite bâche qui recouvrait deux caisses.

Delaunay n’en croyait pas ses yeux. Il vérifia le contenu des caisses.

— Comment avez-vous réussi à les faire passer ?

— Ça m’a couté deux ou trois putes.

Bowern tira les deux caisses et les plaça au milieu de la pièce.

— Faites ramasser ça et ensuite allez vous reposer.

— Bien, Général.

Bowern n’était pas peu fier de l’effet qu’il avait produit en montrant cette arme terrible qu’il cachait presque sous son lit. L’armée américaine avait dit : 

— On vous fournit tout ce dont vous avez besoin, mais vous n’aurez que ce que nous vous donnerons.

— Allez-vous faire foutre, avait-il répondu car c’était sa phrase favorite !

Il était sans doute trop tôt pour boire un verre de bourbon, mais comme il n’avait pas encore dormi, il s’octroyait un extra. Le liquide lui désinfecta la tuyauterie avant d’atterrir dans un estomac quasiment vide.

Il parlait tout seul.

— Le matos arrive dans deux jours. Faut faire place nette.

Il repensait à ce que le guide Inuit avait dit concernant le « Chaman ». Il avait fait celui qu’il était blasé et qu’il ne croyait à toutes ces conneries, cependant, l’Afrique lui avait appris à se méfier de tous ces sorciers. Leur principale arme réside dans le fait qu’ils mettent le doute dans la tête de leurs rivaux. Bowern s’avait que déjà des hommes, ici, et à cause de cette nuit, étaient contaminés par le doute. Il faisait enfermer le guide Inuit, non pas par crainte qu’il ne se retourne contre lui, mais pour ne pas qu’il soit un relais de l’autre sorcier en peau de bête.

Deux hommes, envoyés par Daniel Delaunay, vinrent débarrasser les caisses.

— Va y avoir de la saucisse grillée dans la pampa, jubila le chef mercenaire.

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P
<br /> Vous n'y allez pas de main morte avec vos tortures.<br /> C'est bizarre, je n'ai plus faim tout à coup.<br /> D'un autre côté, il y a pire que de mourir en une heure seulement.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Je n'y suis pour rien, monsieur le juge, c'est Bowern le coupable.<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> Ce pourri de Pagny ! encore un mercenaire coomme Bowern ...<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> J'ai cru un instant que c'était un copain Pagny.<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> La pampa, ça me fait penser à Pagny !<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Belle référence !<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> Si c'est les cocos, tant pis... je préfère garder Berth.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> C'est le prochain sur leur liste.<br /> <br /> <br /> <br />