La déesse vivante

Publié le par L'Eunuque

musiciens.jpg

 

Il y eut, tout à coup une sorte d’effervescence. Les gens encore capables de se lever le firent. Les musiciens se regroupèrent pour rejoindre un endroit plus spécifique. Il y eut aussi un chant que tout le monde semblait connaître. Il n’était pas en Sanskrit celui-ci. Juché sur une chaise à porteur, soulevée par huit beaux lascars, une personne, une femme sans doute, complétement enveloppée dans une multitude de voiles de toutes les couleurs. Berth ne put en voir plus car une main lui éventa la vue avec un passeport. C’était Laureen.

— Vous avez fait tomber ça tout à l’heure, ça pourra vous être utile.

— Je n’ai rien fait tombé, vous me l’avez chipé.

La jeune femme arrêta d’agiter le passeport.

— Et vous n’avez rien dit.

— Ce passeport est faux, quoique très officiel, alors vous pouvez le garder.

— Je ne vous crois pas.

Il le prit et le balança dans un des feux de camps, puis il continua son observation.

— Vous ne me parliez pas, alors… j’ai voulu savoir.

— Le mystère vous agace ?

— Ça doit être ça, répondit-elle vexé.

Berth désigna d’un simple coup de tête.

— C’est qui ?

Elle jeta un œil distrait.

— C’est la déesse vivante. Celui qui vous a invité à cette fête ne vous a pas dit ?

— Il est venu ici uniquement pour se goinfrer, je ne suis pas sûr qui soit encore là. Que savez-vous sur elle ?

— Vous parlez, tout à coup.

— Je peux demander à Sâdhu bras en l’air.

Elle haussa les épaules.

— C’est une des rares déesses vivantes reconnues en Inde. Elle est le gourou de la secte des nettoyeurs. Personne ne l’a jamais vu, ni même approché. Si c’était dans vos intentions, les huit mastodontes qui la portent ne sont pas là pour faire de la figuration. J’ai fait des demandes répétées pour être reçue par elle et faire quelques clichés, mais c’est interdit. Il y a des bruits qui courent comme quoi elle ne serait pas Indienne mais Anglaise. Bon, mais comme personne ne peut vérifier. Elle parlera tout à l’heure. Les gens sont venus pour ça… enfin, les gens.

Le cortège passa près d’eux. Un des voiles s’entrouvrit et le regard de la déesse croisa celui de Berth sans que Laureen ne s’en aperçu ; quelqu’un, visiblement ému ou malade, vomissait devant elle.

— Voilà ce qu’il reste de nos années 70. Des déchets de rêves. Des âmes perdues, shootées jusque dans leur désespoir, plus un seul synapse et neurone de valable.

— Vous venez ici pour vous flageller ?

— Un peu, sans doute. Je suis à la recherche d’une partie de mes illusions. Dites, vous ne m’en voulez pas pour votre faux passeport ?

— Je m’en fous. Mais s’il vous venait la malencontreuse idée de recommencer, je vous pette les deux bras.

Laureen voulu rire de cette remarque, mais en croisant le regard froid de Berth, elle se dit qu’il était préférable de ne pas chercher à vérifier la véracité des propos.

— A qui avez-vous fait la demande ?

— Pour le reportage ?

— Oui.

— A un de ses sbires. Un Belge, je crois. Il a un accent terrible lorsqu’il parle anglais.

— Il est ici ce soir ? Vous l’avez vu ?

— Il ne la quitte jamais. C’est une sorte de manager, attaché de presse.

Elle le désigna du doigt.

— C’est le tondu, là.

Le tondu remarqua qu’on le montrait du doigt et sans doute reconnaissait-il celle qui possédait le doigt car il lui fit signe de s’approcher.

— Oh, putain, jura t-elle, ça se trouve c’est pour le reportage photo. Suivez-moi.

Ils se frayèrent un chemin jusqu’à la première barrière de gros bras musclés qui les laissèrent passer sur l’ordre du Belge. Un jeune disciple voulu faire de même et fut projeté sans ménagement. Berth cru voir Laureen presque jubilé de se savoir une VIP.

— Laureen, vous êtes encore là ce soir, dit le Belge avec un accent terriblement Belge, j’espère que cette fois-ci c’est pour les mots de notre déesse que vous venez et non pas pour réitérer cet impossible demande.

— Oh non, Marc, bien sûr que j’ai cru que vous me faisiez signe pour me dire que c’était ok, pleurnicha et bouda la photographe.

— Voyons, il faut que vous vous retiriez cela de la tête.

Puis il remarqua Berth.

— Et vous, qui êtes vous ?

— Un ami, se précipita de dire Laureen.

— Non, c’est faux, on ne se connaît que depuis 1 heure.

— Et bien, dites moi à partir de combien d’heures vous validez une amitié, s’insurgea t-elle ?

— Il faut que je la rencontre, dit-il au Belge de service.

— Ecoutez, ça ne marche pas comme ça. J’ai attendu des années avant de la rencontrer, commença t-il à expliquer. C’est une déesse.

Berth soupira.

— Gardez vos conneries pour toutes ces larves qui se roulent dans la boue. Je ne vous demande qu’une chose : vous allez lui dire que je désire la rencontrer, je me mets dans la lumière, elle me regarde et elle dit oui ou non. Mais elle dira oui.

Le Belge eut un rire nerveux voire dédaigneux.

— Rien que pour vous rabaisser le caquet, je vais faire passer votre demande.

Il abandonna les amis pour se rendre sous la petite tante installée pour la déesse.

— Vous ne doutez de rien, vous ? fit remarquer Laureen.

— Il suffit d’essayer.

— Non, des fois il ne suffit pas d’essayer.

Le Belge fit signe à Berth de se placer dans lumière comme il l’avait proposé. A nouveau, le regard de la déesse se découvrit et regarda l’étranger. Cela ne dura que trois secondes. Le Belge se pencha pour entendre ce qu’elle avait à dire et celui-ci rejoignit Berth. Il était pâle et visiblement tourmenté.

— La déesse me fait vous dire qu’elle désire que vous la rejoigniez après son discours.

Puis il s’en retourna.

— C’est quoi cette merde ? interrogea Laureen. Tu arrives, tu exiges et on t’obéie, c’est ça ?

— Il suffit d’essayer…

— Connerie de connerie, tout ça c’est de la connerie…

Elle était en colère et vexée. Berth lui donna un début d'explication, non pas parce qu'il le devait mais parce qu'il était fatigué de l'entendre geindre.

— Je la connais, c’est tout. Du moins, je la connaissais avant qu’elle ne devienne déesse.

Laureen écarquilla les yeux comme une mauvaise actrice de soap.

— Tu la connaissais !? Comment tu peux en être sûr tu ne l'as même pas vu ? Et qu’est-ce qu’elle a fait entre le moment où elle te connaissait et où elle est devenue Déesse ?

— Je ne suis pas sûr, mais il me semble, qu’entre temps, elle soit morte.

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
<br /> Souvenir : comme nous arrivions au Népal, à Kathmandou, il y avait aussi une ddéesse vivante ! une petite fille qui apparaissait à son balcon une fois par an ... Quand elle avait ses premières<br /> règles, ils en prenaient une autre<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Elle vit recluse, pas très loin du Dubar Squard. Elle ne peut rien faire, elle bouffe toute la journée et qui plus est, elle ne trouvera jamais de mari car cela porte malheur que d'épouser une<br /> ancienne déesse.<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Le retour du passeport, et le mystère de la déesse... Comment la connait il ? Comment est elle morte ? Et pourquoi ne l'est elle plus ?<br /> Bon, ça va, j'ai deux épisodes à lire encore. Avec un peu de chance je dormirai ce soir.<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> J'espère que la suite vous a éclairée ?<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Et bien partant du principe qu'un acteur peut tout jouer que c'est son job.<br /> Sachant qu'il se met dans la peau du personnage le temps du tournage ou ici ( en l'occurence de l'histoire)et qu'il n'y a pas d’interférence entre ces deux entités.<br /> <br /> « Je est un autre » et nous ne sommes pas la mocheté qu’on incarne…même si vous m'affublez de 6 têtes 14 bras et deux moignons et que vous me filez en cadeau bonux la vision de Lucifer pour les<br /> choses de la vie, ce n'est pas grave en soi.<br /> <br /> Non voyez-vous ce qui me gène autrement plus dans le cas qui nous préoccupe ce sont les seconds roles ...<br /> <br /> Jeff en garde de mon corps, je le sens déjà moyen-moyen, mais si en plus vous vous inspirez du film BoDy-Gard pour apporter un peu de douceur dans un monde de brutes , alors là voyez-vous,c'est<br /> déjà beaucoup plus ennuyeux parce que<br /> pépé Jeff c'est pas Kevin Costner ( loin s'en faut)<br /> alors de deux choses l'une,<br /> soit je demande une prime de risque en dédomagement<br /> soit je réclame une doublure pour exécuter à ma place les cascades ...<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Jeff semble avoir pourtant de l'expérience comme garde du corps ?!<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> La jeune fille qui était morte lorsque Berth était petit ? Je me perds un peu moi...<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> J'ai vu sur un commentaire plus loin que vous vous y étiez retrouvé.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> mince je postule pour le role !!!<br /> <br /> j' adore disparaitre et revenir sous une autre identité.<br /> Une lune, un grenier et pfiout d'un coup plus rien, juste une ombre...<br /> <br /> hélas chaque médaille à son revers et si j'ai le rôle je sais aussi que pépé Jeff,va postuler pour celui du garde du corps.<br /> <br /> Depuis le temps qu'il me colle aux talons si en plus il apprend qu'il peut être payé pour ça, tu penses bien qu'il va pas se gêner !!!<br /> <br /> Du coup j'hésite à postuler...<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Attendez de voir de quoi est faite la déesse et vous postulerez moins.<br /> <br /> <br /> <br />