La dernière goutte peut être fatale

Publié le par L'Eunuque

camion

 

Lord Patrick Wellington bailla à s’en décrocher la mâchoire. Il regarda au dehors du véhicule puis sembla étonné en voyant Margaret qui s’éventait à l’intérieur avec un magazine.

— Nous sommes partis, demanda t-il ?

— Oui. Et d’un sens, nous sommes même peut-être déjà arrivé, fit remarqué le moustachu Herbert Bromfield.

— Ah bon ?

— Ce que veut dire Herbert, c’est que nous sommes en panne. Cette espèce de machine n’a pas tenue 50 kilomètres.

— Ah. Bien. Et que font nos indigènes ?

— Ils font ce qu’ils peuvent et cela se résume à pas grand-chose.

Wellington voulu sortir, mais une main ferme, celle de Margareth se posa sur la sienne pour l’en empêcher.

— Non, ne sortez pas. Il y a dehors une armée de crève-la-faim, d’estropiés, de lépreux et que sais-je encore ? Mon Dieu !

— Ouvrons au moins les fenêtres.

— Non, pitié, je vous en supplies, sinon je vous fais une crise de nerf. Ils nous envahirons à la moindre ouverture.

Le Lord regarda à nouveau au dehors.

— C’est vrai que tous ces gens n’ont pas bien l’air en forme.

— Et en forme de quoi, ricana Herbert pour le bon mot qu’il venait de faire ? Mais personne ne releva.

Patrick fit une moue tout en se dandinant.

— C’est que j’ai envie de pisser moi.

— Lord Patrick Wellington, s’offusqua l’Anglaise, vous oubliez qu’il y a une femme avec vous et qu’à ce titre vous pourriez avoir plus de décences.

— Et comment dites-vous, vous même, ce genre de chose ?

— Je ne les dis pas : je me retiens.

— Désolé mais… j’ai trop envie de pisser, conclut-il en sortant du véhicule.

Dehors, un groupe de mendiants étaient agglutinés autour du capot de la voiture, là où se trouvaient déjà Berth et Ary. Certains, en apercevant l’anglais, voulurent lui quémander de l’argent. Un grognement de Berth les en dissuada. Lord Patrick en fut silencieusement reconnaissant. Il regarda autour de lui et pas un endroit discret pour pisser tranquille.

— Dites, s’il vous plait, parlez-vous anglais, demanda t-il à Berth qu’il voyait pour la première fois.

— Oui.

— Ah. J’aurais besoin d’un peu d’intimité pour uriner.

Berth regarda autour de lui.

— Vous voulez que je vous construise un cabanon ?

— Sans aller jusque là. Mais en plus de l’anglais vous semblez parler la langue locale, si vous pouviez juste les contenir le temps que je… me soulage.

Berth lança une phrase à la cantonade qui fit rire l’ensemble des personnes, surtout les femmes.

— Que leur avez-vous dit ?

— Exactement mots pour mots ce que vous m’avez demandé de dire.

— Et bien, je ne me savais pas aussi drôle.

Il alla droit devant à un endroit qu’il jugea acceptable pour recevoir son urine.

Berth replongea la tête dans le moteur.

— Voiture de Maharadja mon cul oui, vociféra Ary. L’autre propriétaire s’en servait pour rouler dans les allées autour de son palais. Et encore, comme il avait peur de conduire, il la faisait tirer par des chevaux.

Il releva la tête.

— Bon, on va essayer, normalement ça doit tenir jusqu’à Agra.

— Si ça démarre, je révise mon jugement sur toi.

— Que Vishnu soit avec nous.

Il entra dans sa cabine de conducteur. Après une hésitation, le moteur redémarra. On pu entendre un « ah » de soulagement à l’intérieur et à l’arrière.

Berth vit revenir le lord accompagné d’un homme assez mal en poing : un lépreux.

— Ce type n’a pas arrêté de me coller et de vouloir voir mon… sexe pendant que je pissais. C’est perturbant.

Le lépreux parla un instant en direction de Berth. Et Berth lui répondit.

— Que vous dites-vous, demanda le Lord ?

— Il me dit que vous avez de la chance d’avoir encore votre sexe car lui a perdu le sien dans l’herbe, un jour qu’il le secouait trop fort.

— C’est une plaisanterie ?

— Je crains que non.

— Mon Dieu.

Patrick Wellington ne savait pas s’il devait le plaindre ou rester sur son dégoût premier.

— Et vous, que vous lui avez-vous dit ?

— Que voulez-vous que je lui dise ? J’ai répondu que : « Bah oui, ça arrive ».

L’Anglais faillit rire.

— Je suis Lord Patrick Wellington, dit-il en tendant sa main. Puis, il se rétracta lorsqu’il vit que son interlocuteur hésitait car il venait de pisser, ne l’oublions pas.

— Ma main est plus sale que la votre, expliqua Berth en montrant la sienne noire de cambouis. Je m’appelle Berth.

— Berth comment ?

— Berth, tout simplement.

De l’intérieur, Ary râla.

— Faut qu’on y aille.

 

Les Indiens conduisent selon des règles bien à eux qui pourraient se résumer ainsi : tous le monde doublent tous le monde, n’importe quand, n’importe comment, le tout est de klaxonner. Quant aux touristes qui sont véhiculés, s’ils veulent dire quelques prières. Les autres feront comme Berth, ils dormiront.

 

 

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D
<br /> Ce cadre me charme, définitivement<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> J'aime bien, moi aussi.<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Vous avez raison, c'est mieux de suivre les épisodes un à un.<br /> On les savoure bien mieux.<br /> (Ci avant le signe de mon esprit de l'escalier, réponse à un de vos commentaires qui doit avoir au moins 15 jours... :))<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Chère Pastelle, ne me jugez point trop bête ou la mémoire fragile, mais quel était donc ce commentaire ?<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> J'aime beaucoup l'association de ce titre et de cette image. Mon esprit mal placé me fait sourire toute seule.<br /> Mais j'aime bien la note aussi. Cet autre pays, l'humour et les promesses induites par ces lignes.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Vous êtes d'une attention machiavélique. Merci de récompenser mon effort, celui d'avoir trouver la photo en adéquation avec son titre. Cela m'encourage à réfléchir avant de choisir. Vous avez<br /> donc l'esprit mal placé. Bien venue au club.<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> Le pire que j'ai vu en Inde, c'est un cul de jatte posé sur une planche à roulettes qui allait aussi vite que moi et à mes côtés, les bras (des moignons !) prolongés par des bâtons qui lui servait<br /> de rames ... Je m'en souviendrai toujours !<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Vous découvrirez, au fil de ces pages, quelques anecdotes tout aussi étranges. Je n'ai même pas le mérite de les inventer. L'Inde vous marque à vie.<br /> <br /> <br /> <br />