Le père Jaouen
Nous regardons le ciel la nuit en été avec des yeux d’enfant ébahis. Toutes ses étoiles, ces points lumineux qui nous viennent du fin fond l’univers et les mystères qu’ils suscitent nous laisse à penser que la véritable grande aventure des temps modernes se trouve au-delà des frontières de notre galaxie. Il existe cependant un voyage plus proche de nous et dont on commence à peine à fouler les terres : le corps humain et le plus incroyable de ses composants : le cerveau.
La mémoire. Qu’elle est-t-elle vraiment ? Comment celle-ci se manifeste-t-elle chimiquement, biologiquement dans notre cerveau ? Il existe des rangés de bouquins sur le sujet, de quoi remplir des bibliothèques. S’il en existe tant, laissant supposer que dans l’état actuel des choses, nous n’ayons aucune certitude.
Un bout de cerveau en moins, n’aura pas suffit à faire disparaître de la mémoire de L’Eunuque un période de sa vie. Pas la plus importante, oh puis si, il faut bien le reconnaître.
Pour l’instant, c’est un écran blanc. Cela pourrait s’apparenter à un espace lumineux blanc, mais qui ne diffuse aucune lumière…
— Berth, réveille-toi.
… S’il n’y a pas de lumière alors vous êtes en droit d’émettre l’hypothèse que ce soit l’obscurité la plus totale.
— Berth, Berthy, fais un effort. Réveille-toi.
… mais à bien n’y réfléchir…
— Tu vas finir par être en retard…
… Cette sensation de déjà vu, du déjà vécu, mais que l’on ne peut faire autrement que de revivre de la même façon. Alors que l’on sait qu’on l’a déjà vécu on ne peut bénéficier d’aucun enseignement qui pourra influer sur nos choix et ne pas vivre les mêmes erreurs. On aimerait parfois un signe. Juste et rien qu’un, qui nous permettrait, juste une fois, de faire le bon choix.
— Berth, aller, tu n’as plus qu’à ouvrir les yeux.
Berth ouvrit les yeux, effectivement. Il reconnaissait la voix plus qu’il n’en voyait le propriétaire.
— Grand-père ? Qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne devrais pas être debout.
— Être debout me rassure. Je sais ainsi que je suis vivant.
Berth s’asseye sur le lit.
— Je me serais réveillé seul.
— Pour quelqu’un qui allait se réveiller, je trouve que tu dormais bien.
— Il est quelle heure ?
— 5 heures et il va faire bientôt jour. Tu as lu encore tard ?
— Pas tant que ça.
— Quelle idée que de vouloir finir à tout prix les livres que tu commences ! Enfin, tu pourras te reposer dans le train.
— Ou bien lire.
— Ou bien lire, oui, tu feras comme tu l’entends, dit le vieil homme en trainant sa carcasse courbée en dehors de la chambre.
De la salle d’à coté, arrivait enfin une odeur de café. Cela réussi à convaincre Berth de sortir de son lit. Dans la pièce mitoyenne, il versa de l’eau dans une cuvette émaillée et entrepris une toilette complète du corps. Il passa sa main sur son visage pour y déceler quelques poils qui auraient repoussés depuis la dernière tonte, mais à presque 16 ans, les poils ne repoussent pas si vite. Il chercha son regard dans la petite glace accrochée sur le mur, dû se pencher car ces 1m83 lui en interdisait une juste visibilité. Il mouilla ces cheveux, les plaqua en arrière et se trouva relativement bien.