Un coup de pied dans la fourmilière

Publié le par L'Eunuque

— Voilà, conclut Berth, après avoir exposé ses allégations auprès des autres jeunes.

— Et voilà, quoi ? Demanda Gérard.

— Bah, tu es bouché ou quoi, s’insurgea Batiste. Il est peut-être le petit neveu du châtelain et toi tu trouve que c’est rien ?

— Je ne trouve pas que c’est rien, mais je suis d’accord avec toi : c’est « peut-être ».

— C’est un peut-être qui tiens assez la route, finit par dire Patrick.

Gérard prit la place de Berth au milieu des autres.

— On a quoi. Deux articles de presse. Les divagations d’un alcoolique, bien sympathique au demeurant mais durement chargé niveau alcool. Les reproches de la fille du châtelain au sujet de quelqu’un qui n’aurait jamais du venir. Ce ne sont que les pièces éparpillées d’un puzzle et vous voudriez que cela ressemble à quelque chose ? Napoléon mélange tout. On résume. Premier épisode, deux jeunes s’engueulent au sujet d’un vol dont un certain Julien aurait été accusé à tort et dont le véritable voleur serait Adrien Vallençay, neveux de Simon Orfeuille. Fin du premier épisode. Ensuite, nous avons un accident de la route, dans lesquels périssent Manique Bouvet et Adrien Vallençay, dont on ne retrouve le cadavre que deux ans plus tard et dont on dit que les deux victimes de cette accident étaient en fait mariés et qu’ils avaient eu un enfant ensemble. Le soir où ils se tuent, en bord de Loire, en fait ils fuyaient, quoi ? On ne sait pas. Troisième et dernier épisode, sous prétexte que certaines dates concordent, Berth pense être le fils de ce couple en fuite et morts sur la route.

Il regardait tout le monde.

— Comme personne ne m’a arrêté dans ma démonstration, j’en conclu que mon résumé est assez proche de ce que tout le monde a compris. En dehors du fait qu’on aimerait bien joindre les différentes parties entre elles, nous n’avons rien. Et il y a ce Paul Bouvet, qui n’est pas au départ de ce merdier mais à la conclusion. De quelle manière ? Dans quelle circonstance ? C’est pourquoi je dis que pour l’instant nous n’avons rien, parce que nous n’avons pas assez. Puis, je me pose aussi des questions. Pourquoi ce jeune couple s’enfuit sans leur enfant ? Que fuyaient-ils ?

— Paul Bouvet, répondit Batiste.

— Un seul homme contre toute une famille. Une famille influente dans la région.

— Mais, il… voulut dire Batiste, il fut coupé par Berth.

— Stop. Je n’ai pas plus d’éléments, c’est vrai, de même que je ne demande pas d’explications pour l’instant. Mais, je compte bien trouver d’autres pièces.

Gérard alla s’asseoir.

— Il faut que tu confondes le vieux Orfeuille avec ce que tu sais.

— Je le ferai plus tard.

— Insiste auprès de Napoléon, proposa Marc.

— Je crois qu’il m’a dit le maximum, il faut chercher ailleurs.

— Le seul endroit qui détient d’autres éléments, c’est le château. Mais, les secrets de famille sont mieux gardés que les secrets d’états. Il y a une autre possibilité d’approche : le journaliste qui a écrit l’article et dont le père Orfeuille prétends que ce sont des divagations. Il aurait fallut que tu retiennes son nom…

— Michel Joffre, révéla immédiatement Berth.

— Impressionnant, applaudit Gérard. Il faut entrer en contact avec lui. Mais un journaliste ne se déplace pas pour rien. Il faut l’appâter avec du lourd et du gras, sinon, il ne mordra pas. Le seul appât qui pourrait susciter son intérêt, c’est toi Berth. Cela dit, ça t’expose, il faut que tu réfléchisses à ça. Les journalistes sont des chiens galeux qui, lorsqu’ils mordent dans quelque chose, ne lâchent jamais. Surtout les journaleux de province qui se font chier durant toute une carrière. Ton histoire, si elle s’avère être ce que tu penses, c’est l’affaire du siècle pour eux.

Berth réfléchit à ce que venait de dire Gérard. Tous les autres gardaient le silence. On entendait au loin, le cri des enfants de la colonie, de la musique aussi. Personne dans la chambrée n’osait le moindre geste qui aurait pu troubler la réflexion du jeune homme.

— D’accord, dit-il enfin.

Il n’y eut pas d’exaltation exagérée. Juste un sourire se dessiner sur les lèvres des autres adolescents. Il ne s’agissait pas de montrer autre chose que l’envie d’aider leur ami.

— Camarades, dit solennellement Gérard, je ne vous ferai pas l’affront d’un serment où vous seriez obligés de jurer sur la tête de vos vieux, mais juste une recommandation. Cette mission, puisqu’il s’agit bien de cela, n’a pas pour but de nous distraire mais d’aider Berth dans sa quête. Ce que nous commencerons, nous le finirons. Nous ne connaissons pas les risques que comporte cette entreprise, mais il y en a. Surtout pour Berth, qui devra affronter la vérité puis qu’il la recherche et nous juste les conséquences de nos actes.

Silence à nouveau.

— J’hésite entre me marrer ou chialer, fit par dire Marc.

— Putain, c’est vrai que je parle bien. Je crois que je vais me lancer dans une carrière politique.

 

Non loin de là, derrière le rideau qui sépare la chambre des lavabos, quelqu’un avait tout entendu de la conversation. A plusieurs reprises il avait failli intervenir, puis il avait attendu la fin car petit à petit une idée commençait à prendre forme dans sa tête. « Laissons-les foutre un coup de pied dans la fourmilière, si ça peut m’aider à me débarrasser de Berth. » Depuis plusieurs jours, il entretenait une haine enragée envers cet adolescent qui venait de nul part, malgré ces suppositions, et qui attirait trop l’attention et la sympathie d’une certaine personne. Il les avait vus sortir de la douche, en catimini, complices comme jamais, comme lui n’avait jamais pu l’être avec la jeune femme dont il était éperdument amoureux.

Jean-Claude sorti des baraquements et compris pour que l’entreprise des jeunes se déroule au mieux, il les laisserait libres de tous mouvements. « Ils veulent aller seuls au village, et bien d’accord, allez-y, faites votre enquête à la noix, foutez la merde. Je sais, quant à moi ce que j’ai à faire pour éloigner ce parasite ».

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
<br /> J'attends de voir quelle sorte de méchanceté pourra user ce bon Jean Claude<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Un moyen d'écarter Berth de celle que ce Jean-Claude se croit l'élu.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> Aïe ! Pô bon la jalousie...<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Elle n'est jamais bonne conseillère. <br /> <br /> <br /> <br />