Petite sœur

Publié le par L'Eunuque

Gérard et batiste discutaient, en marchant dans le bois.

— Il est là, mais il ne nous parle plus, fit remarquer Batiste.

— Laissons lui le temps.

— Cela fait trois jours qu’il est revenu. Il n’a même pas voulu aller à l’enterrement de son grand-père.

Gérard soupira et préféra tailler directement dans le vif de cette conversation.

— Ne t’amourache pas de lui, petite sœur, tu risques d’en souffrir.

Batiste eut un sourire triste.

— Je suis né pour vivre dans le mélodrame.

— C’est du romantisme à deux balles, ma chérie, de la flagellation, sans plaisir en retour. Il n’y a que les saintes et les connes pour croire au miracle par le sacrifice. Saintes et connes : c’est un pléonasme, non ?

— Gérard, quand tu viens vers moi, comme ça, dans le but de me remonter le moral, explique moi pourquoi après ton départ je me sens encore plus déprimé ?

— Peut-être que la souffrance que je t’afflige est moins grande que celle que tu te réserves.

— Qu’est-ce que je me « réserve » au juste ? L’envie d’être ce que je suis ? Le gentil Batiste est un peu pédé mais ce n’est pas grave ça lui passera.

— Vas-y, envoies moi les violons, j’apporte les mouchoirs. Ce n’est pas moi qui aie érigé les règles de cette société, ni sa morale, ni ses lois. Ici, tu n’existeras jamais, alors vas ailleurs. Pique tout le pognon que tu peux à ton père, fais toi hippie, vas à San Francisco et trouve toi un gentil garçon. Il paraît que là-bas, y a des pédés à tous les carrefours. Mais concernant Berth, ni pense même pas. C’est pas qu’il serait contre, mais ce type là a été castré de tous sentiments humains. Il n’est pas capable d’aimer. Au delà de son cul, que tu mattes sans arrêt, ce qui t’attire chez lui, c’est son côté ténébreux et aventureux. Tu me fais penser à tous ces cons qui de la berge regardent avec envie les bateaux qui partent au loin et qui dégueulent à triple boyau lorsqu’ils sont dessus, en jurant leur mère de ne plus jamais y foutre les pieds.

Batiste finit par se marrer aussi. Gérard le surpris en lui mettant une main au cul magistrale.

— Allez, ma poule, on va rejoindre les autres, c’est pas tant qu’ils jaseraient, mais ils vont finir par tout picoler.

 

Napoléon tenait une pierre dans la main et menaçait Berth avec.

— Quek tu viens donc core faire par ici ? J’t’ai dit de pas revenir. Tes questions que tu veux me poser, j’y veux pas.

— Vous étiez l’ami de mon grand-père et j’ai cru comprendre qu’il vous aimait bien aussi. Je veux juste en savoir un peu plus.

— Oui et après ? Les choses qu’on dit ça fait toujours des histoires et moi les histoires je veux les oublier. Je veux pas picoler pour rien, tu comprends ?

Napoléon avait lâché son caillou, résigné sans doute. Il alla s’assoir sur son banc en pierre. Berth s’approcha. Le vieux gardien le regardait du coin de l’œil.

— T’es marrant toi, quand tu parles du cul des vaches, mais sinon, mon vieux…

Il retira sa casquette, passa sa main dans ces cheveux blancs hirsutes.

— Pourquoi les histoires elles finissent jamais ? Elles t’oublient pendant quek temps et toi tu crois que c’est fini, puis ça reviens. La malédiction, voilà comment ça s’appelle, la malédiction. Puis, qui c’est qui commencent les histoires ? On sait jamais. Mais une chose est sûre, si tu jettes une petite pierre du haut d’une montagne, elle peut en entrainer d’autres dans sa chute et à la fin ça te détruit tout un village. Moi, je connais la petite pierre qui est tombée la première. Julien qui s’appelait. Un brave gamin. Il jouait là, dans le parc avec monsieur Adrien. C’étaient des amis, pour sûr. Son père était un vieux salopart, c’est lui qui a voulu le mettre en maison de corrections, les gendarmes avaient dit c’est pas la peine, mais l’autre y disait : « Si, si, il faut. Va devenir un homme comme ça ». C’est quand il est revenu d’où qu’il s’était évadé, le Julien que ça a commencé. Il est venu ici, je les ai vu, il engueulait Monsieur Adrien : « C’est toi que t’as volé la caisse, qui disait. Tu l’aurais dit que ça m’aurais causé point d’histoire ». Et l’autre y disait : « C’est vrai, j’suis désolé, c’était pas bien et patati et patata ». Ils se sont foutus un peu sur la gueule, puis ils ont fait la paix.

Napoléon prit le temps de fouiller dans sa mémoire, de faire le tri dans ce qu’il pouvait où avait envie de dire.

— Y a des gens qu’ont la méchanceté en eux. C’est comme ça. Le père Jaouen l’était gentil lui. S’entendait bien avec tout le monde, tout comme Monsieur Adrien. Mais y a des teignes. Le Paul, par exemple, Paul Bouvet. Lui, il aimait la méchanceté. Et c’est à cause de lui tout ça, oui, c’est lui qu’a fait tout ça.

Il cracha son dégoût. Son regard se perdit à nouveau dans ses pensées, il se leva et rentra chez lui. Berth savait qu’il ne devait pas insister.

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B
<br /> Je découvre une autre facette de Gérard, "la grande gueule", assez attendrissante finalement, dans sa relation avec Batiste...par contre, l'est toute décousue l'histoire de Napoléon...comme Nova,<br /> je file à la suite ^^<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Napoléon a depuis longtemps raccroché avec la vie. Ce qu'il dit est décousu mais s'il l'on filtre un peu, il dévoile des choses essentielles. Bonne lecture pour la suite.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> Ca m'intrigue...<br /> J'file à la suite :)<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Je vous retrouve de ce pas là-bas.<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Salut!<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Yo man.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Ma lecture de cette épisode effectuée, je peux me glisser dans mes draps pour reposer la bête.<br /> Douce nuit à toi...<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Bonne nuit la bête…<br /> <br /> <br /> <br />