L’homme seul et la vieille

Publié le par L'Eunuque

— Comment va-t-il, demanda Marie ?

— Mieux. Je l’ai trouvé étrangement calme.

Berth ne voulait pas parler de cette rencontre avec Paul Bouvet, car sa détermination à ne pas vouloir continuer cette enquête s’était envolée face à l’excitation qu’il venait de ressentir lorsqu’il avait entendu la voix de cet homme dans la nuit. Contrairement à la façon dont l'homme s’était présenté, Berth n’avait pas eu peur. La voix était grave, caverneuse, sombre peut–être mais rien dans le ton de celle-ci ne laissait entrevoir la moindre agressivité.

Marie le sorti de sa rêverie.

— Vous me parliez d’Hambourg, tout à l’heure.

— Oui, c’est vrai.

 

L’homme avait voulu faire demi tour et faire face au jeune homme. Il était temps que tout cela s’arrête. Tout ce temps perdu. 16 longues années de gâchées. Cela aurait pu finir ce soir. Mais, toutes les conditions n’étaient pas réunies. Elles n’étaient pas à son avantage. Puis il voulait le voir. Voir ce que cet enfant disparu était devenu. L’ombre avait dessiné un beau gaillard. Le père Jaouen s’en était bien occupé. Le voir oui, avant de l’affronter. Son visage lui faisait mal ce soir. Il passa sa main dessus. La peau était tendue à cause du froid de la nuit. Demain, il ne restait plus que demain. Alors, il ne dormirait pas cette nuit.

En arrivant chez lui, il vit que la vieille, comme il l’appelait s’était assoupie dans son fauteuil en l’attendant. Elle serait toute courbatue si elle passait la nuit ici. Il l’entendrait se plaindre, geindre. Il voulait se fauteuil aussi. Alors, il la prit dans ses bras, la souleva et alla la déposer sur son lit. Elle ne pesait plus rien. Un squelette avec un peu de peau et rien d’autre. Il ferma délicatement la porte.

Il s’enfonça dans son fauteuil. Il attrapa une cigarette sur la table basse et l’alluma. Bien sûr, les images de cette fameuse nuit de folie, il y avait près de 16 ans lui revenait à l’esprit. Regrettait-il ce qu’il avait fait ? Pas le moins du monde. Il avait tué. Il ne pensait pas que cela se passerait aussi facilement. Lorsque l’on a toutes les justifications pour le faire, c’est-à-dire toutes celles que nous nous autorisons à avoir, alors tout devient plus facile. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’était que son acte impliquerait une longue et morne solitude.

La vieille apparu à la porte de sa chambre.

— Qu’est-ce que tu fais debout. Tu aurais du aller te coucher tout à l’heure.

— J’aime pas quand tu pars comme ça. J’ai peur à chaque fois que tu ne reviennes pas.

— Et pourtant, je reviens.

— C’est vrai, dit la vieille femme avec un sourire édenté.

Elle alla se servir un verre d’eau.

— Je ne dormais pas tu sais. Je me reposais les yeux.

— Vas te reposer les yeux dans ta chambre.

— Oui, je vais y aller. Et toi ?

— Je finis ma cigarette et j’y vais aussi, menti-t-il.

Elle allait entrer dans sa chambre.

— Tu es parti un jour. C’était avant. A cette époque j’avais peur que tu rentres. Puis tout a changé. Bien sûr, il y a cette blessure sur ton visage, mais tout de même, j’aime mieux maintenant.

Il lui fit un sourire tendre et elle alla se coucher.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
I
<br /> Emouvant billet..<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Merci.<br /> <br /> <br /> <br />
T
<br /> Coucou j'aime bcp ton style et ces phrases courtes et bien construites , j'espère qu'un jour ce sera chez un editeur biz a bientot .<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Merci pour cet espoir.<br /> <br /> <br /> <br />